Biographie

Je suis née en Roumanie, en 1982, dans un orphelinat d’État où j’ai passé mes quatre premières années. Il ne me reste de ce temps qu’un silence diffus, un souffle suspendu. Puis est venue la France. Le sud, la lumière, et une mère adoptive, discrète et solaire, qui m’a offert un monde, sans rien attendre en retour. Je lui dois l’élan. Le regard. Et cette façon de croire que l’on peut recommencer. Avant la photographie, il y a eu le dessin. Enfant, je passais des heures à tracer des visages, des paysages, des corps mais surtout les mains. À la sanguine, je tentais de saisir leur tension, leur ancrage, leur langage. À seize ans, je me suis immergée dans Le Sacre de David que j’ai recopié à la mine de plomb, non pour le maîtriser, mais pour m’y dissoudre, m’effacer dans la ligne, comme on entre dans un espace intérieur. La lumière m’a toujours accompagnée. Celle des maîtres anciens, d’abord. Caravage pour son clair-obscur qui fend la scène comme une respiration. Titien, pour la matière qu’il sculpte. Rembrandt, pour sa manière de contenir le monde dans un triangle. Millet et Courbet, pour leur ancrage simple, leurs visages fatigués de vivre. Je ne les regardais pas comme des modèles, mais comme des présences familières. Une étoffe posée sur une épaule disait parfois plus qu’un visage tourné vers nous. Un geste à peine ébauché suffisait à faire vibrer toute une scène.

Plus tard, une bourse de la Fondation Napoléon m’a conduite à Paris, dans les réserves feutrées des théâtres impériaux. J’y ai étudié les costumes du Premier Empire : étoffes, coupes, silhouettes. C’était déjà, sans le savoir, une manière de lire le corps à travers la matière, d’approcher l’humain par ce qu’il choisit de porter ou qu’on lui impose. La photographie ne s’est pas imposée comme un métier. Elle est arrivée doucement, comme une nécessité, un geste intérieur. Une manière de rester au monde sans le saisir de force. Je travaille avec lenteur, à la lumière naturelle ou continue, selon ce qui s’offre. Je n’ai pas de méthode, seulement une attention, une présence. Ce qui m’attire n’est pas ce qui se montre, mais ce qui résiste. Ce qui demeure en retrait. Depuis 2014, je retourne, dès que je le peux, dans les montagnes du Maramureș là où le monde semble encore se tenir par des gestes anciens. Ce travail n’est pas un documentaire. C’est une réconciliation avec mes origines, une lettre muette à l’enfant que j’étais. Le reste suit ce fil invisible : La Belle de Gémenos série née en Provence, explore la mémoire au féminin ; d’autres projets poursuivent ce même élan, dans l’architecture, les portraits, les objets, les gestes du quotidien tout ce qui, à sa manière, interroge la lumière, le temps.

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