Ce feu que l'on habite
On entre parfois par hasard, ou peut-être est-ce la terre qui appelle, une vibration ancienne dans les fibres du costume, un écho dans les pas de ceux qui dansaient avant nous. On commence petit, sans toujours comprendre, mais déjà le corps sait. Il retient les gestes, les tours, les silences. Il apprend la discipline joyeuse, le respect du pli, la précision du chignon. Ici, tout se joue dans les détails : la façon de tenir le jupon, la couleur choisie pour la coiffe, la manière d’aligner ses pas avec ceux des autres. Certains viennent du bitume, d'autres des montagnes, d'autres encore des métiers techniques ou des arts textiles. Tous se retrouvent dans un même souffle. Il n’y a pas de hiérarchie entre le rythme du galoubet et celui d’un cœur qui bat pour la mémoire. Les traditions ne sont pas un poids, elles sont des ailes. Et porter un costume, ce n’est pas jouer un rôle, c’est habiter une histoire.
Le folklore n’est pas figé. Il respire, il grandit, il écoute les nouvelles générations. On y danse avec ses ancêtres dans le dos et ses enfants à l’horizon. Certains apprennent à coudre pour mieux incarner, d'autres composent avec la lumière et les couleurs, traduisent leur vie d’artiste dans les étoffes anciennes. Il y a ceux qui enseignent et ceux qui reçoivent, souvent les deux en même temps. Un costume est un langage, un paysage en mouvement. Il raconte les routes, les métiers, les rêves, les révoltes, les racines mêlées. Rien n’est anodin dans ce qu’on enfile : chaque matière, chaque fil porte une mémoire. Le folklore devient un espace de passage, une courroie entre les époques, une manière de tenir le fil tendu entre ceux qui ont transmis et ceux qui s’apprêtent à recevoir. C’est un pacte doux, une fidélité sans soumission, un engagement libre et joyeux.
Dans cette ronde immense, il y a les musiciens, les conteurs, les discrets et les flamboyants. Il y a ceux qui soignent et ceux qui rient fort. Il y a des enfants qui se taisent parce qu’ils écoutent, des anciens qui dansent encore parce qu’ils n’ont jamais su s’arrêter. Il y a ceux qui parlent peu et ceux qui tissent des histoires au creux de la nuit. Tous font famille. Une famille d’époques et de gestes. Un groupe où l’on apprend à être ensemble, à se faire confiance, à pleurer parfois aussi. Un espace où le costume protège, où la danse révèle, où le chant relie. Ceux qui y participent ne s’en expliquent pas toujours avec des mots. Ils disent juste que ça fait partie d’eux. Et c’est vrai. Le folklore n’est pas un décor. C’est un feu. Un feu qui éclaire, qui rassemble, qui transforme. Et chacun, à sa manière, y ajoute une bûche, un éclat, un peu de soi.

















































